Tu veux pas non plus choisir ma vie aussi ?

Il y a quelques jours ago c’était mon anniversaire. Et comme tout bon anniversaire, il fût fêté dignement et arrosé copieusement. Puis vint l’heure des cadeaux. Du plus simple et funky: la poêle cœur au nouveau jouet tendance: le Fitbit Flex.

C’est sur lui que je vais m’appesantir là maintenant et c’est aussi grâce à lui que je sors de mon mutisme bloguesque.

Posons les bases: je suis un geek amoureux des nouveaux joujous et en même temps, j’ai commencé depuis plus d’un an à rapatrier mes données personnelles dans mon salon: si vous me suivez sur Facebook, il n’y a guère une semaine sans que je vous tanne avec le respect de la vie privée et j’ai même commencé quelques billets ici même.

Donc, mes amis m’ont offert un Fitbit Flex et j’ai quand même décidé de jouer le jeu, parce que je suis un petit gars gentil et poli et aussi pour le fun. Nous somme vendredi soir et de suite, je le glisse à mon poignet. Arrivé chez moi, je le met en charge, le remet plus tard à mon poignet puis je le passe en mode ‘sommeil’ – pour qu’il puisse enregistrer mon dodo.

Réveil samedi matin: comme ça fait environ vingt ans que je ne porte plus de montre au poignet, ce bracelet se rappelle vite à mon souvenir. Je crée mon compte en ligne – impossible de faire sans, ni de synchro avec un éventuel nuage personnel – puis synchronise les données pour constater que j’ai bien dormi. J’ai quand même la sensation – assez désagréable – d’être un bagnard avec son bracelet électronique.

Samedi puis dimanche se passent. Le bracelet me rappelle que je n’ai rien fait du week-end, que je suis une faigniasse et que je dors à mort. J’ai mes deux premiers amis sur le site de Fitbit.

Lundi, j’exhibe mon joli bracelet à mes collègues pour flamber et montrer mon arrivée dans le troisième millénaire. J’aurai même mon premier smiley qui rit parce que j’ai marché au moins cinq mille pas. Je  décide que Fitbit peut toujours aller se faire voir avec ses smileys puisque je n’ai jamais aimé le sport et que ce n’est pas eux qui me feront changer d’avis, que plus il me colleront des gugusses colorés et des récompenses, moins j’aurai envie d’en faire.

Mardi soir: impossible à dormir, comme je dors sur le ventre avec les bras repliés ( mode momie retournée ), le bracelet est inconfortable, me rentre dans la joue ( un bras pour soutenir la tête, un bras pour le torse ) et me rappelle un peu trop à sa présence. Soudain, un idée me traverse l’esprit: ‘mince, je vais avoir des sales stats de sommeil’. Et là mon sang se fige et je retire mon bracelet.

Non mais oh ! je peux encore marcher autant et quand je veux, dormir et mal dormir si j’en ai envie, et avoir cinq heures ou zéro d’activité intense journalière. Est-ce que je veux offrir à une obscure société américaine tous mes déplacements quotidiens, mes calories brulées, mes repas, mes sommeils, mon taux de glucose ? Est-ce que je veux aussi les partager avec mes amis ? Et me faire rappeler à l’ordre si je ne rentre pas correctement dans les cases ?
Puis j’ai commencé à lire les termes et conditions d’utilisation – enfonçons des portes ouvertes et un peu le clou –  et je vais maintenant littéralement crucifier ce bracelet à mon mur comme un rappel d’un futur dont je ne veux pas.
Morceau choisis:  » Fitbit peut modifier ou interrompre, de manière provisoire ou définitive, toute fonctionnalité ou composant des Services Fitbit, à tout moment et sans notification préalable. » Donc rien ne me garantit une utilisation de quelques années ni pour mon bracelet (trop vieux, plus compatible avec notre site), ni pour mes données (tu n’es pas assez actif ou trop gros, casse toi)
Et le clou du spectacle:  » vous concédez par les présentes à Fitbit une licence perpétuelle, irrévocable, non exclusive, mondiale et non soumise à redevance l’autorisant à concéder des sous-licences de ces droits à des tiers, à reproduire, distribuer, transmettre, représenter publiquement, diffuser publiquement, représenter numériquement, modifier, créer des travaux dérivés de, et à utiliser de quelque manière que ce soit et à exploiter commercialement tout texte, photographie ou autre donnée et information que vous publiez sur les Services Fitbit » Je -nous-  n’ai -n’avons-  déjà plus beaucoup de vie privée, je ne vais pas non plus me transformer en produit statistique, je le suis déjà assez avec d’autres produits.

Désolé les amis, malgré tout l’amour que je vous porte, ce sera sans moi là, ma limite en terme de geekerie a été atteinte.

1 commentaire

  1. Tu n’imagines pas comme je suis heureux dans ma campagne, quand je rentre le week-end, loin des abruteries (je valide ce terme!) du monde moderne.
    Evidemment il y a de bons côtés (je peux laisser un commentaire sur ton blog), que je ne suis pas prêt à lâcher. Mais aussi tellement, comme tu le dis, de surveillance… Tout ça pour notre bien, of course.

    Je te prépare un bon gros gâteau au vin blanc la prochaine fois que tu passes.

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